Stinky Toys, 1977
- Votre disque était prêt depuis longtemps, je crois. Pourquoi ne sort-il que ce mois-ci ?
- Pour des raisons de pochette, principalement ! Le 33 t a été réalisé aux studios Ferber en septembre dernier. Il aurait fallu que l’album des Pistols sorte plus tôt : les esprits auraient été prêts à accepter la nôtre d’emblée ! Quoiqu’il en soit, l’enregistrement par lui-même s’est bien déroulé ; la plupart des morceaux ont été effectués en prise directe, alors que notre 45 T avait été fait en re-recordings .
- Revenons au débuts de votre carrière. Comment tout a-t-il commencé ?
- C’est au début de l’été 76 que nous avons été remarqués par l’équipe de « Rock News » et notre premier concert fut donné dans une cave ! On avait tout organisé nous-mêmes, on avait laissé des affiches dans certains magasins de disques... et il y eut une centaine de personnes dans la cave de cette pizzeria. Evidemment, problèmes avec les voisins à cause du bruit, il n’y eut donc qu’un seul concert au lieu des quatre prévus.
- Votre formation a-t-elle changé depuis ?
- Non ! Je crois même que le groupe n’existerait plus si l’un d’entre nous manquait.
- À cette époque, saviez- vous déjà jouer, chanter, ou étiez-vous totalement amateurs ?
- Peut-être avons-nous eu trop de presse et trop tôt. On nous a collé l’étiquette « punk » parce que notre premier concert était réellement bordélique, nous ne savions pas jouer ensemble à cette époque- mais nous voulions faire « notre truc », avoir notre propre personnalité sans faire de concessions. On a tourné plus d’un an sans manager, ça encore, c’est amateur ! Mais on s’en foutait, au début. On n’avait pas encore réalisé que, tout faire nous-mêmes, tout réaliser, tout organiser, on le faisait de travers et on se grillait.
- Comment vous placez-vous par rapport au mouvement Punk ?
- Totalement en dehors ! Stinky Toys étaient là bien avant tout le monde, parce que , justement, on aimait le rock et on ne voyait pas d’autre façon de vivre qu’avec et par le rock. Par contre, aujourd’hui c’est devenu une mode. On se demande si tout le monde n'est pas devenu brusquement idiot. Chaque nouveau mouvement est toujours formidable à sa NAISSANCE. Quand on a commencé on s’est foutu de notre gueule : « Vous n’avez aucun avenir », « On est en France, ça marchera jamais », etc. Total, tout le monde se jette sur ce mouvement, mais n’en tire que l’aspect extérieur : épingles et fringues.... mais dans leurs têtes, les mecs n’ont pas évolué. Ils suivent par mode et on retrouve les caméléons qui portaient des clochettes en ’67. Et puis d’abord, ça tient pas debout : comment veux-tu mettre une étiquette sur des gens aussi différents que Pistols, Jam, Damned, Clash, etc... C'est pas possible !
- On vous a vus dans des magazines comme HIT ainsi que dans un film-montage plutôt merdique.
- En ce qui concerne ce film réalisé à notre insu et projeté au Vidéo Stones, on nous avait contactés pour nous filmer et on devait ensuite nous inviter à choisir les meilleures séquences. Or le film est sorti sans notre accord. Alors, bon, déclencher un procès, investir du pognon qu’on n'a pas... On préfère laisser tomber ces tristes amateurs. C’est pourquoi, à la limite, on préfère travailler avec les gens de Hit qui, eux, respectent ceux avec qui ils travaillent. Leur seul but, évidemment, est de faire de l’argent. Mais il en va de même avec les magazines de rock dits spécialisés... sauf que HIT a plus de moyens ! En un mot je préfère presque figurer dans un canard avec Sheila en couverture, qu’un autre à petits moyens avec un vieux ringard comme Jagger ! Il y a presque plus de distance entre nous et les autres groupes punks français qu’entre nous et France Gall ! Les Stones et les Who sont devenus aussi ringards que Sardou ; ils se sont enlisés dans un vieux système cul-de-sac.
- On a souvent colporté que vous crachez sur la société parce que vous avez du pognon...
- C’est une légende qui doit venir des fameuses parties qu’on a données, mais c'est faux : au niveau blé, on est plutôt en manque ! On n’a jamais prétendu qu’on ne voulait pas d’argent ! Mais si on avait été riches, peut-être que nous ne jouerions pas du rock.
- Que pensez-vous de cette nouvelle vague de violence, je veux parler des agressions de rockers envers les punks ?
- C’est assez compréhensible car la plupart des punks parisiens sont vraiment horripilants ! Enfin, c’est quand même lamentable !
- Etablissez-vous une différence entre l’Angleterre et la France en ce qui concerne le mouvement punk ?
- Oui ! En Angleterre, une nouvelle mode est immédiatement suivie, pour s’éclater naturellement. Ici c’est surfait : on se déguise, et ça ne touche qu’un petit noyau qui aime se faire voir, montrer qu’il est branché ! Tu as vu à quelle vitesse ça été récupéré : six mois après, il y a déjà des bouquins, des revues etc. Si encore la presse à scandale s’en empare et écrit des horreurs, c’est bon signe, car ça a un côté subversif.... Et, en ce qui concerne HIT, c’est déjà super que, sur deux pages, on ravisse la place à des ringards ! Ils vaut mieux que les gamins de 14 ans voient notre tronche plutôt que la gueule de Sheila !
- Comment a marché votre 45 tours ?
- Pas mal, il s’est vendu correctement en France et Angleterre ; il a été exporté aux U .S .A et au Japon. Quant à l’album , il sortira dans le monde entier. Nous sommes très pointilleux en ce qui concerne nos disques ; nous savons exactement ce que nous voulons. C’est Elli elle- même qui a réalisé cette pochette atomique pour promotionner cet album, nous avons vingt concerts dans toute la France. Quant on pense qu’on a vendu plus de 45 t en Angleterre qu’en France ! On a même eu la couverture du Melody Maker plusieurs mois avant sa sortie. Et, marrant, la critique britannique nous était très hostile mais nous fut excessivement bénéfique. De retour en France, il n’y avait plus à ce casser la tête pour trouver un contrat d’enregistrement !