Jim Capaldi (ex-Traffic), 1978
En dehors de ses concerts de groupes français, le Rose Bonbon accueille régulièrement des groupes britanniques ou américains. En décembre, l'attraction choisie était Jim Capaldi... pardon. le groupe The Contenders. Pour en savoir plus sur ce « nouveau » groupe, pourquoi ne pas s'adresser directement a son leader, un p'tit jeune qui répond au nom de... JIM CAPALDI.
- Jim, quelle est la raison de cette visite en France ? Ces deux concerts sont-ils destinés à promouvoir un nouvel album ?
- Non, pas de nouvel album avant février... La raison de cette venue en France est que nous devions jouer chez vous il y a six mois, justement à la sortie de «The Contender », or un triste événement nous est arrivé, le décès de notre bassiste. Nous avons donc dû annuler la dernière tournée promotionnelle.
- Depuis la disparition de Traffic, on ne peut pas vraiment dire que tu sois resté au tout premier plan de l'actualité musicale. Des albums comme « Whale Meat Again » ou même «The Contender » n'ont pas révolutionné leur époque. Crois-tu que les anciens fans de Traffic t'ont suivi et peuvent apprécier ton travail actuel ?
- Généralement, et ce fut le cas au Rose Bonbon, c'est surtout un public jeune qui n'a pas connu Traffic qui se rend au concert pour voir un spectacle, un groupe nouveau. Il y a bien sûr quelques fans des sixties, mais en minorité, tout au moins en Grande-Bretagne et sur le Continent. Quant aux Etats-Unis, la réactions sera sans doute différente, car Traffic avait un succès monstrueux là-bas...
- Redoutes-tu cette rencontre avec le public américain ?
- Oh non, je l'attends avec impatience !
- Lorsqu'on étudie la pochette de « Contender », on constate que de nombreux titres sont cosignés, que tu n'as pas produit tous les titres... en un mot que tu as laissé une large part de responsabilité à tes acolytes. Bref, cet album, plus qu'un « Jim Capaldi Solo » est un « Capaldi and Friends ». As-tu tout-de-même obtenu le son et les résultats que tu voulais ?
- Oui, bien sûr. D'ailleurs, il n'aurait été ni facile, ni intéressant d'agir en despote. Au cours de ces séances d'enregistrement, il s'est forgé un véritable groupe avec des musiciens qui se comprennent, se complètent et s'entendent. C'est beaucoup plus intéressant que de simplement regrouper des gens pour des sessions sans lendemain. Le prochain album me satisfait pleinement car, plus encore que « Contender » ce sera vraiment celui d’un véritable groupe au sein duquel je ne serai qu'un élément. La raison pour laquelle cet album est sorti sous le nom de Capaldi seulement est une histoire de contrats : j'ai signé chez Polydor en tant qu'artiste solo. Mais notre travail est très intime ; je leur donne et leur apprends ce qui est en ma possession, et eux font de même en retour. Il y a plus de liens entre nous que, par exemple, Cat Stevens avec Jean Roussel et Gerry Conway.
- Tu ne joues plus de batterie, ni sur scène, ni en studio. En es-tu blasé ?
- Non, mais il se trouve que si je veux réellement m'intégrer au groupe, je ne dois pas présenter au public l'image de « batteur de Traffic ». Il ne faut pas que le public fasse de comparaison, ce que nous faisons, aujourd'hui, n'a plus aucun rapport avec le passé.
- Penses-tu que ton évolution, ainsi que celle de gens comme, par exemple, Elkie Brooks, c'est-à-dire une plus grande orientation vers la variété, est plus ou moins le reflet, conscient ou inconscient, de cette sorte de censure, de mépris envers le rock ?
- Cela peut être aussi représentatif d'une nouvelle forme d'expression, c'est le cas en ce qui me concerne. De toutes façons, le prochain album sera mille fois meilleur. Pour l'instant, j'en suis pleinement satisfait. Je suis revenu à un état d'exaltation et de satisfaction comme au bon vieux temps de Traffic à qui j'ai consacré mes meilleures années et toute mon énergie, celle du temps où j'avais vingt ans..
- De 1964 à 1967/68, plus d'un groupe s'est fait connaître grâce aux radios pirates. Vous étiez d’ailleurs l'un de leurs enfants chéris. C'était l'époque de Radio Caroline, Radio London et de « Paper sun » et « Hole in my shoe » Quelle est aujourd'hui la situation des radios et télés en Grande-Bretagne ?
- Nulle ! Il ne se passe rien. Aucune amélioration. Ce qui passe aujourd'hui en radio / télé n'a rien a voir avec le rock. Il n'y a que les variétés qui sont abondamment programmées. On voit en 1978 des groupes dont même le public d’il y a dix ans ne pourrait s'empêcher d'éclater de rire en les voyant. Et pourtant cette médiocrité marche.
- Comment envisages-tu le fait que, comme les Beatles après leur séparation, tu seras sans doute considéré pour les nombreuses années à venir comme un ex-Traffic plus qu'un chanteur à part entière ?
- Ce n'est pas un problème, j'écris des chansons de qualité, et avec le temps, j'écris de mieux en mieux ; on devrait donc me considérer ainsi. D'autre part, c'est volontairement que je ne joue plus de batterie sur scène, alors que j'en joue sur mes disques. Donc, j'attends un public jeune et nouveau, qui dira « qui est ce type ? », et ceux qui me connaissent, je ne leur offre pas de point de repère ni de comparaison. Je ne tiens pas à faire ce que l'on attend de moi.
- La promotion n'est-elle pas trop axée sur ce passé ?
- Je m'en fous, ça ne me gène pas. On ne peut pas refuser le passé, de même lorsque Cassius Clay se fait appeler Muhamed Ali il y a toujours des cons pour dire « Hey c'est Cassius Clay, le boxeur à la grande gueule ». Moi j'ai suivi une certaine évolution qui m'a changé en même temps, c'est-à-dire que je colle exactement à la musique que je joue aujourd'hui, de même que Traffic il y a dix ans. Parfois des gens ne comprennent pas cette évolution. J'ai eu beaucoup plus de comptes-rendus négatifs ou désobligeants dans mon propre pays que dans le reste du monde réuni ! Les critiques anglais sont imbuvables. Leur attitude est réellement déplaisante. Je sais très bien quand un groupe est bon, quand un groupe est mauvais... je commence tout-de-même à avoir une certaine expérience ! Je sais que notre groupe est bon et que certaines critiques étaient fausses et déplacées. On attend des critiques qu'ils parlent de la musique qu'ils entendent, du spectacle qu'ils voient... pourtant ce n'est pas le cas. Ils s'arrêtent à des détails personnels.
- Des nouvelles de Stevie Winwood ?
- Oui, il est notamment venu jouer un soir avec nous à Bath, car il habite dans le district... Les gens sont restés à taper dans les mains et réclamer d'autres morceaux pendant cinquante minutes. Eh bien le chroniqueur local n'en a même pas parlé. D'ailleurs, il n'a même pas dit que Stevie était venu ! Il a simplement écrit que le concert avait été ennuyeux. C'est fort, non ! En tous cas, je languis de jouer aux States. Là-bas, Traffic était géant. En remerciement, nous jouerons deux titres de cette époque.
- L'inévitable question avant de se quitter : y aura-t-il une éventuelle reformation de Traffic ?
- Stevie est catégorique : pas sous ce nom. Et moi, je suis un Contender !