Gilbert Montagné, 1980
Il avait apparemment disparu de la scène française depuis quatre ou cinq ans, Pourtant des tubes comme "The fool", "'Baby I feel so fine" avaient marqué le souvenir... Ce n'est qu’il y a quelques mois qu’on apprit que Johnny Hallyday l’avait engagé pour son fameux spectacle "live". Aujourd'hui (1980), le voici de retour avec un tube, "Believe in me”.
Gilbert Montagné. quels sont vos antécédents musicaux antérieurs à "The Fool” ?
J'ai commencé l'art de la musique à I'âge de cinq ans ! C'est ainsi que j'ai étudié le classique à quatorze ans, tout en étant passé par le jazz et le rock'n'roll ; le problème de la musique classique est qu'elle correspond à une discipline bien précise, trop structurée. J'étais plus attiré par la musique qui me permettait d'interpréter mes propres inspirations. A la suite de ces études classiques, j'ai commencé à faire des bals durant neuf mois, me permettant de savoir comment travaillaient les musiciens français. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette époque fut agréable. En effet, à seize ans, c'était très excitant d'obtenir mon premier job, tout en gagnant tout de même pas mal d'argent. C'est alors que je suis parti aux Etats-Unis, où j'avais de la famille.
Avez-vous commencé vos propres compositions vers cette époque ?
Pas tout a fait car, dans les bals, il n'en était pas question. C'est en 1968 que j'ai écrit mes premières chansons. L'expérience ne fut pas vraiment concluante ; j'ai néanmoins sorti un premier 45 tours, sous le nom de "Lor Thomas". Mais à l'époque, je ne connaissais pas toutes les ficelles du métier, et ce premier single n'a pas marché. Je suis donc parti une première fois aux Etats-Unis, A mon retour, j'ai accompagné André Georget dans une maison d'édition musicale, en tant que musicien ; parmi les titres proposés, il y avait "The Fool"... et finalement, on m'a convaincu de l'interpréter moi-même, ce qui a donné le résultat que l'on sait. Mais avec le recul, je pense aujourd'hui que tout est allé trop vite. J'ai été rapidement dépassé par les événements !
Pensez-vous qu'il soit néfaste d’obtenir, des son premier disque, un tube aussi énorme que “The Fool » ?
Dans mon propre cas, oui, car je n'avais que vingt ans et je ne savais pas vraiment dans quelle direction je souhaitais m'orienter. Je me suis retrouvé numéro 1 dans une quinzaine de pays, avec tous les voyages que cela cause or, lorsque j'ai enregistré en français mon deuxième LP, ces mêmes pays ont été gênés par le problème de la langue. C'est ainsi que ma carrière s'est brusquement trouvée bloquée au niveau international. D'autre part, j'ai souffert du manque de contact avec la vie de tous les jours : de 1971 a 1974, je ne pouvais plus sortir dans des lieux publics tels que les magasins, etc. J'ai donc ressenti un certain besoin d'être anonyme ; c'est pour cela que je suis parti aux Etats-Unis, car je voulais me retrouver moi-même !
Comment s’ est passé ce séjour aux U.S.A. ?
Bien, dans l'ensemble. Il y a eu bien sûr des moments délicats, mais je ne les regrette pas. Durant ces quatre années, j'ai vécu un an à New York et trois en Floride. Si tout s'est bien déroulé en Floride, ce fut plus difficile à New York, où je ne suis pas arrivé avec un carnet d'adresses et où il est difficile de s'intégrer au circuit des musiciens de clubs. J'ai rencontré mon épouse à Miami. En Floride les conditions sont plus "cool". J'ai ainsi pu jouer tous les soirs dans des clubs, et c'était un nouveau départ enrichissant ; les gens qui venaient me voir ne se déplaçaient pas en fonction de ma renommée. De plus, les méthodes américaines donnent une formation difficile, mais efficace ; aux États-Unis, si on ne fait pas l'affaire, il y a 25 autres chanteurs qui sont là pour prendre la place dans ce même club.
En effet, les musiciens français se plaignent beaucoup... mais ne savent pas ce que c'est de jouer de 10 h. du soir à 4 h. du matin. La compétition pousse donner le meilleur de soi-même.
Que vous a appris cette absence ?
J'ai appris l'intérêt des médias dont on doit réaliser l'importance. Quand on pense que des gens vont travailler toute une vie pour obtenir une émission de télé ou de radio qu'ils n'obtiendront jamais, on devient conscient de la chance que l'on a lorsque ça marche. Le métier de chanteur ne consiste pas uniquement dans l'art de composer et interpréter, il ne faut pas avoir peur du mot "show-business". Il y a en France le faux problème du côté "commercial"; lorsqu'on fait un disque, c'est aussi pour que le public l'écoute et l'achète. Pou moi, le mot "commercial" n'est pas péjoratif.
Comment concevez-vous votre métier ?
En ce qui me concerne, je m'intéresse autant à la production ou même à la co-production d'autres artistes, qu'à mes propres disques où je ne me contente pas de composer et chanter. C'est ainsi que j'ai pris un immense plaisir, à mon retour, à participer au simple de Johnny Hallyday, "C'est mieux ainsi- Qu'est-ce que tu croyais". Ces jours-ci encore j'ai co-arrangé le dernier 33 tours de Marie Laforêt pour lequel j'ai écrit quatre chansons.
Comment vous est venue l'idée d’enregistrer ce 45 tours “Believe in me” ?
Ce 45 T a concrétisé le sentiment de popularité que j'ai ressenti lors du spectacle de Johnny, malgré mon absence de quatre ans. Je voulais renouer avec le public, et je voulais vraiment le sortir rapidement, sans attendre la sortie de l'album qui sera enregistré cet automne aux États-Unis.
Quelle est la responsabilité de Johnny dans ce retour ?
C'est réellement lui qui m'a demandé de revenir en France et, chacun de notre côté, nous avions envie de travailler ensemble. Lors de ce spectacle, j'ai pris conscience du talent et du magnétisme incroyables de Johnny Hallyday. Je lui suis, de plus, très reconnaissant de m'avoir laissé une place de choix. Il a renforcé mon envie de retrouver le public.
Que peut-on dire de votre prochain album ?
Il sera en anglais, car j'ai vraiment envie de toucher une audience internationale. De plus, il faut reconnaître qu'a part Maurice Chevalier, les seules vedettes françaises qui aient marché ont dû chanter en anglais.
Quelles sont vos influences, ou tout au moins les styles que vous écoutez volontiers ?
Au départ, je suis plus attiré par une musique noire que par une musique blanche. A part les premiers albums d'Elton John, je ne suis pas très branché par ce qui vient d'Angleterre ; je préfère le jazz, le blues et le rhythm'n' blues. D'ailleurs, soul, funky et disco viennent d'une même racine, que j'englobe sous la définition de "R'n'B".
Quels sont vos principaux projets ?
Pour les mois à venir, je pense sortir un autre simple, l'album en anglais, et préparer une vaste tournée afin de mettre sur pied un spectacle plus complet et plus élaboré qu'un simple tour de chant. Je compte m'occuper du côté visuel que j'avais négligé, en raison de ma cécité. Cette tournée devra donc démarrer a Paris vers février 1981.