Eddy Grant, ex-Equals, 1980
Le nouveau prince du reggae ! La meilleure preuve était l'écoute de son album, « Walking on Sunhine » qui démarrait très fort dans différents pays, dont la France.
- Vous êtes dans le show- bizness depuis 1967. A l'époque votre musique pouvait être qualifiée de « reggae blanc ». Pouvez-vous aujourd’hui vous mettre une étiquette ?
- Pas vraiment, dans la mesure où je considère faire la synthèse des différents courants musicaux actuels. Par contre, en 67, je fus l'un des premiers à composer du « ska » et mes chansons furent même enregistrées par Prince Buster.
- On a employé à votre égard le terme d'« afro-disco ». Qu'en pensez-vous ?
- Effectivement, cette appellation ne me déplaît pas ; elle est assez juste. Mais ma musique évoluant sans cesse, cette définition peut éventuellement changer dans l'avenir.
- Justement, à ce propos, comment voyez-vous l’avenir du disco ?
- En fait, les modes sont déterminées par les maisons de disques. Ce sont les compagnies, par leurs investissements dans la promotion, qui décident de ce qui va marcher.
- Etes-vous satisfait du temps passé avec les Equals ?
- Totalement. C'est un merveilleux souvenir. Le groupe s'est séparé car il devenait temps que chacun puisse travailler en solo, mais les dix années en commun furent fantastiques.
- Comment expliquez-vous que « Baby come back », sorti en 67, soit devenu un tube énorme seulement plusieurs mois plus tard ?
- Disons que les médias n'étaient pas tout à fait prêts à nous accepter.
- Justement, puisque nous parlons des Equals, des « Egaux », y avait-il quelque portée sociale ou politique dans le fait qu'il s'agissait du premier groupe interracial constitué à la fois de Blancs et de Noirs ?
- Non, la raison principale de cette réunion était l'amitié qui nous liait les uns aux autres.
- Je suppose que vous êtes l'un des premiers artistes à réaliser une aussi bonne synthèse entre disco, reggae et rock. Laquelle de ces trois formes de musique préférez-vous ?
- Je n'ai pas de préférence ; j'apprécie toute musique, pour autant qu'elle soit de qualité.
- Avez-vous l'intention de rester en dehors de la distribution des grosses firmes ?
- Paradoxalement, cela semble mieux marcher, toutes proportions gardées, sur des petits labels. De plus, les grandes firmes phonographiques ne sont ni motivées, ni concernées par la musique elle-même. Elles sont beaucoup plus intéressées par le côté financier de la question !
- Vous semblez très indépendant. Etes-vous effrayé par les pressions que vous pourriez subir de la part de grandes firmes ?
- C'est certain ! C'est d'ailleurs la raison principale de la création de « Ice ». Au départ, je n'avais pas envisagé de fonder ma propre firme... Mais lorsque j'ai voulu enregistrer en tant qu'artiste solo, tout d'abord personne n'était vraiment intéressé par un ancien Equals. Et artistiquement parlant le seul moyen pour d'arriver au résultat voulu est de tout faire moi-même.
- Justement, on note sur votre pochette que vous faites au moins 99 % des vocaux et des instruments...
- Effectivement, c'est le moyen pour moi d'avoir le son et les effets que je désire.
- Cela ne risque-t-il pas de vous empêcher de vous produire en public ?
- Nous sommes actuellement train de répéter. Si cela se concrétise, il me faudra environ dizaine de musiciens pour m'accompagner en concert.
- Le fait d'être PDG de Ice Records vous oblige-t-il à avoir en permanence l’âme d'un homme d'affaires, parfois incompatible avec celle d'un artiste ?
- Non, pas du tout. Je ne me suis jamais empêché, par exemple, d'enregistrer un chanson sous prétexte qu'elle ne semble pas assez commerciale.
- Vous devez assurer une part de votre promo vous-même. Quel est votre média favori ?
- Disons que les radios son plus efficaces pour créer une vedette, et la presse permet en de conserver la notoriété acquise.
- Quelle fut la réaction après la sortie de votre premier album « Message Man » ?
- Pour moi, ce fut tout aussi fantastique que lorsque les Equals eurent leur premier tube « Baby come back ». Sur ce premier 33 T solo, il y avait un tube, « Hello Africa », une sorte d'hymne, à tel point que plus de trente artistes l'ont enregistré.
- Etait-il difficile de s'imposer ?
- Au début, oui ! Néanmoins, dans certains pays dont le Nigéria, la partie était gagnée d'avance, j'en ai donc profité pour me concentrer sur le marché britannique. En Angleterre, c'est aujourd'hui Virgin qui distribue les cinq albums de chez Ice.
- Y-a-t-il une certaine similitude entre votre label et d'autres indépendants britanniques tels que Chiswick ou Stiff ?
- Tout à fait ! D'ailleurs, Stiff et Ice ont démarré ensemble.
- Quelle est votre principale ambition pour les mois à venir ?
- Et bien, lorsque j'aurai terminé l'enregistrement de mon troisième album, je vais m'employer à faire de Ice une firme de plus en plus importante. A l'heure actuelle, mes meilleures ventes ont été de 100 000 albums « Message Man » vendus au Nigeria, et aussi de 100 000 en Angleterre : il doit y avoir moyen d'améliorer encore ces résultats !