- La Révolution du Compact Disc
Faut-il changer ses enceintes ?
Un avantage sur le microsillon
Comment imposer le CD aux disquaires et aux...
Car c’est bien d’une révolution dont il s’agit. Au même titre que trente ans plus tôt le microsillon avait détrôné le 78 tours, cette fois c’est le CD qui enterre le vinyle. Et comme tout, au vingtième siècle, était placé sous le signe de l’accélération, force est de constater que le déclin du microsillon fut plus expéditif encore que celui du 78 tours! Le plus cocasse de l’histoire est de réaliser que ce même CD avait été conçu avant le microsillon! C’est en effet en 1937 qu’un certain Reeves imagina la digitalisation de l’enregistrement afin de pallier les faiblesses du disque et de l’enregistrement magnétique. Le microsillon, comme nous l’avons vu, n’est né qu’en raison de la découverte presque fortuite du vinyle, en 1946. Dès lors, nous pouvons suggérer que si Reeves avait pu faire aboutir ses recherches (entre 1937 et 1946, c’est possible), le microsillon n’aurait pas existé...
Qu’est-ce qu’un CD ?
En décembre 1982, Sony présente la platine à laser CDP 101. La base du système repose sur un petit disque de 12cm aux pistes formées de millions de trous minuscules et lu par un faisceau laser sans le moindre contact. Rien ne peut, en principe, altérer une audition parfaite: ni usure, ni marques, ni poussière. C’est, indique Sony, la fin du pleurage, du scintillement, du souffle. Au moment de l’enregistrement, la musique est découpée en échantillons successifs, puis codée sous forme de nombres. La capacité d’encodage est immense: six milliards d’informations par disque! La densité des informations musicales codées sur le CD se traduit en langage technique par un nombre clé: 16 bits, c’est-à-dire 16 unités de bases binaires. Ce nombre caractérise l’échantillonnage déterminé pour restituer intégralement la musique enregistrée. Le moindre instrument d’un orchestre symphonique devient, dès lors, parfaitement audible, jusque dans l’extrême grave.
Faut-il changer ses enceintes ?
Conscients du privilège, peut-être dangereux pour les enceintes, de pouvoir enfin restituer toutes les fréquences sonores enregistrées, certains mélomanes s’inquiétèrent de renouveler leur équipement, d’autant que certains fabricants indiquaient “enceintes compatibles avec le numérique”, ce qui laissait sous-entendre que certaines enceintes, justement, n’étaient pas adaptées aux prouesses du CD. Télérama calma les inquiets:
Rassurez-vous, il n’y a pas d’enceintes spéciales compact, il y a des bonnes et des mauvaises enceintes, voilà tout! La seule exigeance liée au compact -à son importante dynamique- est l’aptitude à supporter sans destruction des hauts-parleurs des pointes de niveau intense. Et encore... rien ne vous oblige à pousser l’ampli à fond !
Laser : attention danger !
Durant quelques temps, certains CD étaient accompagnés d’un petit sticker jaune estampillé “Laser class 1”. Contrairement à ce qu’on a pu croire, il ne s’agissait pas d’un modèle de qualité supérieure, mais d’un lecteur dont le rayon laser n’a pas une longueur d’onde dangereuse. Car certains sont dangereux, notamment pour les yeux. Mais ce danger est expliqué dans la notice explicative; il suffit simplement de ne pas dévisser le capot protecteur.
Un avantage sur le microsillon : la programmation.
Le CD amène de nouvelles habitudes dans notre manière d’écouter un disque, grâce à la touche “repeat” qui permet d’écouter inlassablement le même titre ou l’album entier, et grâce à la programmation qui permet d’écouter seulement les titres désirés, et dans l’ordre souhaité; ce gadget, néanmoins, concerne peu les amateurs de musique classique dont on imagine mal qu’ils puissent souhaiter écouter une oeuvre de manière partielle ou désordonnée.
Les premières platines à laser sont commercialisées en 1982. Le passage de l’ancien au nouveau système va prendre plusieurs années. En douceur, ce qui fit croire que vinyle et CD allaient cohabiter. Cinq ans plus tard, on pouvait encore imaginer le magasin de disques de l’an 2 000 harmonieusement partagé, à parts égales, entre microsillons et compact-discs. Mais c’était compter sans l’arrivée du “walkman”: le consommateur ayant pris l’habitude de se "balader en ballades", accompagné d’un récepteur radio ou d’un lecteur de cassettes, il ne faudra guère longtemps pour qu’il décide d’agrémenter ses déplacements de l’écoute d’un CD.
C'est en 1987 que les ventes de CD ont rattrapé celles du vinyle. Ensuite la courbe n'a plus cessé de s'inverser et, à la fin du vingtième siècle, le vinyle, dont on annonçait pourtant souvent le retour en force, ne représentait pratiquement plus rien sur le marché du disque. La cassette elle-même, pourtant devenue un objet excessivement usuel, connut le déclin. La disparition du 45 tours au profit, croyait-on, du "cassingle" (cassette-2 titres) souligna le manque d'intérêt du public pour ce (soi-disant) nouveau support. Ce qui pose l'éternelle question de savoir si les fabricants peuvent réellement imposer un produit, lorsque le public, visiblement, n'en veut pas!
En 1988, en tous cas, on pressent la disparition du vinyle ; le CD va prendre sa place. Le mensuel Paroles et Musique ouvre un intéressant dossier. Son titre (“Le disque vinyle est-il mort ?”) est moins éloquent que son sous-titre (“CD, DAT, CD-Vidéo: la guerre de succession fait rage”), beaucoup plus révélateur de la confusion qui règne alors dans l’industrie discographique. Depuis quelques temps, une rumeur inquiétante circule: le CD est, certes, inaltérable à l’usage, ce qui n’est pas le cas du microsillon qui souffre un peu plus à chaque passage du diamant; en revanche, le CD ne serait pas éternel, contrairement à ce qu’on avait tendance à croire. Tout comme dans le feuilleton Mission: Impossible, il s’autodétruirait. Au bout d’une quinzaine d’années, les informations numériques qu’il contient s’effaceraient, le réduisant au silence. Et comme les premiers CD n’ont que quelques années d’existence, il est bien difficile de trancher: rumeur, réalité ou délire? Dès 1986, Télérama (n°1887) se posait la question, non pas de la durée de vie du disque lui-même, mais de celle du rayon-laser:
A ne pas confondre avec la pointe de lecture d’une platine traditionnelle, le rayon laser ne s’use pas. Pas plus que la lumière! Entre lui et le disque, il n’y a pas de friction mécanique, il y a seulement une relation optique, dont le compact sort totalement indemne, même après 100 000 passages. Ni le rayon, ni le CD ne s’usent. Cependant, bien qu’hors usure, le rayon laser a une durée de vie limitée. On parle de 40 000 heures...Avec beaucoup d’humour, l’éditorialiste du mensuel britannique Record Collector souligne alors que, sur notre petite planète, rien n’est véritablement éternel, et certainement pas le corps humain. En conséquence, il suggère que nos oreilles seront très certainement usées avant nos CD. Reste le problème de l’héritage sonore que nous laisserons à l’orée du troisième millénaire.
Mort annoncée du 45 tours
En dépit de l’instauration du très médiatique “Top 50” (en association avec Canal +, Europe 1 et Télé 7 Jours), les ventes de 45 tours, en France, indiquent la mauvaise santé du marché: 46 millions en furent vendus en 1987, contre 58 millions en 1975. Aux Etats-Unis, la chute est encore plus spectaculaire: 82 millions en 1987 contre 228 millions en 1973. En Grande-Bretagne, phénomène similaire: les ventes de 1992 (53 millions) contrastent avec le record de 1979 (90 millions de 45 tours). Responsables, la cassette et le CD. Tandis que les petites firmes ne peuvent que constater cet état de fait, les grandes multinationales, à la fin des années 80, tentent de reporter l’attention du public sur d’autres supports. C’est ainsi que certaines grandes stars, telles que George Michael ou Paul McCartney, bénéficient, pour une même chanson, de cinq présentations différentes: le 45 tours traditionnel, le “maxi-single” (plutôt à l’usage des discothèques, grâce à ses “extended versions”, c’est-à-dire des versions remixées et rallongées pour danser), la cassette, le mini-CD et le maxi-CD. A ces cinq supports “single”, il faut en outre rajouter l’album microsillon et l’album CD qui peuvent comporter la dite chanson, et, parfois, un CDV-single comportant un clip vidéo. Le but (inavoué?) de la démarche étant de vendre plusieurs fois la même chanson sous des formes différentes. Ce contre quoi s’insurgent certains médias, notamment le très sérieux mensuel britannique Record Collector dans son éditorial de janvier 1987, titré “Mac Marketing”:
Aujourd’hui, ça ne suffit plus de sortir un nouveau single! Encore faut-il mettre plusieurs autres versions à la disposition du public, et certaines strictement à l’intention des collectionneurs: le maxi-single, le picture disc et le, ou les, remix(es). Paul McCartney n’est pas le seul artiste à avoir inondé le marché de remixes et autres gimmicks, mais il en est l’exemple parfait. Pas moins de huit versions de son dernier disque, “Press”, sont actuellement disponibles. Toutes ces versions différentes de la même chanson sont comptabilisées ensemble lors de l’établissement du hit-parade (ce stratagème a réussi au groupe Frankie Goes To Hollywood, qui a commercialisé de multiples versions de leurs tubes “Relax” et “Two Tribes”); cette tendance existe depuis quelques années, mais elle vient d’atteindre des proportions ridicules.
On peut effectivement considérer comme tricherie le fait de vendre la même chanson sous plusieurs formes différentes, lui offrant un classement artificiellement gonflé au sein d’un hit-parade. Record Collector suggère alors que des mixages différents soient considérés comme des disques différents... et conclut en signalant que cette manière de mystifier le public n’est pas toujours payante puisque, malgré tout, les dernières ventes de disques de Paul McCartney ont été assez pitoyables!
Officiellement, le dernier 45 tours confectionné en France fut celui de Stephan Eicher, Des hauts, des bas. Officiellement, car cela ne signifiait pas que, miraculeusement, disparaissaient, se désintégraient toutes les presses capables d'en fabriquer; dès lors, le vinyle “fera de la résistance”! A cette occasion, néanmoins, l'hebdomadaire La Vie du Collectionneur titrait: "Disparition du 45 tours: une aubaine pour le collectionneur".
C’est après 1990 que les évènements se précipitèrent, avec l’abandon du 45 tours, et la chute - vertigineuse !- de la production de 33 tours. Pourquoi diantre le CD avait-il mis si longtemps à s’imposer ? Plutôt que de suggérer la frilosité du grand public, qui, au contraire, semble toujours prêt à tester les nouvelles technologies, il faut surtout rappeler que, dans un premier temps, les usines de pressage de CD, trop peu nombreuses, étaient incapables de suppléer à une éventuelle demande. Ensuite, il faut rappeler que l’intrusion du CD allait demander d’importantes modifications dans l’agencement des magasins de disques; compte tenu du fait que le CD est plus onéreux que le microsillon (surtout au début), on peut aisément comprendre les craintes et les inquiétudes d’un disquaire qui va devoir, à grands frais, transformer son magasin... au risque d’être ensuite boudé par sa clientèle:
L’erreur serait de devancer la demande et de créer un no man’s land vis-à-vis du marché: en amoindrissant volontairement la consommation de l’album, on risquerait de se priver d’une clientèle qui n’est pas encore prête à adopter le CD (Jean-François Loury, directeur commercial de CBS-France, interviewé par Rolling Stone en novembre 1988).
Comment imposer le CD aux disquaires et aux consommateurs ?
Durant l’été 1988, aux U.S.A., les firmes Columbia, RCA, MCA, Capitol, EMI et WEA annonçaient conjointement leur décision de mettre fin à l’existence de l’album en vinyle. Ils suivaient en cela l’exemple de la compagnie Tamla-Motown qui, deux ans auparavant, avait supprimé tous ses microsillons alors au catalogue au profit du CD. Comme l’indique le magazine Rolling Stone, “il fallait décourager disquaires et consommateurs d’investir dans un format devenu subitement dérangeant, par une fabrication en forte baisse ; il fallait également exercer une pression directe sur les dépositaires en interdisant ou en limitant les retours d’invendus de manière draconienne”.
La situation était, heureusement, différente en France:
Les maisons de disques sont plus souples sur les retours disques que sur les retours de CD. Si elles voulaient inverser la tendance, ça leur serait facile. Ca n’est pas encore le moment. Il faut que les choses se fassent naturellement, estime Claude Cappuozzo, directeur des achats de disques à la FNAC (Rolling Stone, novembre 1988).
Visiblement, on ne semblait pas prêt à sauter le pas. Le directeur commercial de CBS France, notamment, indiquait que le 33 tours “se maintenait” après plusieurs années d’une crise sévère:
Le 30 centimètres se comporte honorablement et s’est quasiment stabilisé depuis l’abaissement de la TVA à la fin de 1987: fin août, celui-ci n’enregistrait plus qu’un recul de 4%, chiffre minime comparé à sa chute régulière de 20% lors des échéances précédentes. L’avancée du compact est liée à l’augmentation du parc de platines laser, actuellement de 1,7 million, en pleine expansion, certes, mais encore bien loin de concurrencer les dix millions de tourne-disques en circulation.
En France, un autre facteur entrait en ligne de compte: l’accès du disque à la pub' télé'. Dans un premier temps, la publicité télévisée eut pour conséquence de créer une demande en cassette et album vinyle, et, plus modérément, de CD, sur des produits dits “grand public”: Brel, Piaf... et les inévitables compilations de tubes d’hier et d’aujourd’hui. La “pub télé”, ainsi que le succès de certaines radios FM spécialisées dans la diffusion de succès anciens (Nostalgie, Chérie-FM et, dans une moindre mesure, Radio Bleue), eurent pour conséquence une vague de rééditions sans précédent, d’une ampleur encore plus impressionnante que celle qui avait suivi le remplacement du 78 tours par le microsillon, quelques trente, trente-cinq ans auparavant. Mais le CD, néanmoins, restait en retrait… sauf dans un seul domaine, ou il s’imposait véritablement : le marché de la musique classique. Toujours réservé à une élite financière et intellectuelle, à la pointe du progrès et avide de qualité sans cesse améliorée, le disque classique disparaissait totalement de la catégorie microsillon. Cette avancée technologique permettait en outre la sauvegarde d’enregistrements rares en voie de disparition, comme en atteste un article paru dans Le Monde du 5 janvier 1997, et fort justement intitulé “Comment le disque compact a sauvé les interprétations historiques”:
Enregistrés depuis la fin du 19è siècle, certains grands artistes avaient peu à peu disparu des catalogues des grandes maisons de disques sous la pression de la technologie. Ils font un retour remarqué à la faveur du laser. Pourtant, qui aurait parié que le CD, avec sa perfection glacée et son absence de tout bruit de fond, serait le support idéal des archives de l’histoire de l’interprétation? Le microsillon s’était, certes, déjà préoccupé du passé, mais d’une façon moins systématique que le disque laser.
En Suisse, à la même époque, on se sent beaucoup plus prêt à accueillir le nouveau procédé (6 millions de CD vendus en 1987, soit un par habitant), comme en témoigne Claude Nobs, directeur de WEA Suisse:
Aujourd’hui le single est devenu une hérésie. Quant à l’album, sa disparition à terme est inéluctable. Le CD représente la totale liberté: les lecteurs sont portables et transportables à souhait et la plagination est facultative. Mais personne n’a cherché à faire disparaître le LP. Il est seulement victime du progrès et de l’abaissement du prix des lecteurs compacts.
Tous les pays, cependant, n’ont pas la richesse de la Suisse:
Au Brésil, c’est une catastrophe: la fabrication du compact revient trois fois plus cher qu’ailleurs et personne n’a les moyens d’en acheter! (Rolling Stone, novembre 1988).
A la fin des années 80, on craint surtout une vaste confusion du marché pour 1990/1992 avec l’arrivée du CDV (compact-video-disc) et de la DAT (cassette numérique).
Et tandis que les professionnels envisagent la disparition totale du 33 tours, on concrétise celle du 45 tours, support autrefois idéal, mais dont on conteste désormais la versatilité; début 1993, le directeur de E.M.I. explique à l’hebdomadaire britannique Sunday Times la position de la firme qu'il dirige:
Nous avons créé un monstre qui tue l’industrie musicale. Les classements sont si volatiles que les hit-parades britanniques sont devenus la risée du show-business international. Il est désormais coutumier qu’un 45 tours entre dans le Top 20 et en disparaisse deux ou trois semaines plus tard. Il y a, bien sûr, des exceptions (Whitney Houston, Bryan Adams) mais dans les années 60 et 70, les tubes restaient présents dix à douze semaines dans les charts (classements).
Un porte-parole de la firme Sony / CBS confie, toujours au Sunday Times, que sa société ne peut pas continuer à mettre sur le marché des 45 tours qui ont une espérance de vie d’une ou deux semaines. Il constate que, depuis de longues années, les stars “mythiques” de l’ampleur d’un Bob Dylan ont totalement méprisé le marché du single au profit de l’album-entité. Néanmoins, il faut constater que l’exemple n’est pas particulièrement bien choisi car, en règle générale, les productions récentes de Dylan n’avaient pas suffisamment de tenue ou d’impact pour pouvoir capter un vaste public, et leur publication en single aurait irrémédiablement conduit à l’échec. Lorsque Dylan est capable, ou désireux, de sortir un “tube” (Hurricane en 1976, Rita May en 1977), ni lui, ni sa maison de disque, ne refuse de publier le titre en question sur single. L’essoufflement du 45 tours dans les années 80 est peut-être simplement dû à un manque d’inspiration des artistes ou à un manque de discernement des directeurs artistiques. Ce que semble confirmer l’éditorial de Record Collector de janvier 1993:
On essaie surtout de dissimuler le fait que les ventes de musique actuelle s’effondrent. L’industrie du disque, depuis des années, a concentré ses efforts sur une infime partie du marché; du coup, beaucoup de consommateurs réguliers ont purement et simplement cessé d’acheter des nouveaux disques, d’autant que, s’ils manifestent l’envie d’en faire l’acquisition, on ne leur propose plus sous la forme qu’ils souhaitent: il est devenu très difficile, lorsqu’elle existe, de trouver une nouveauté en vinyle. Quant aux teenagers (13 ans-19 ans), la musique actuelle les ennuie tellement qu’ils n’achètent jamais un disque, préférant consacrer leur argent de poche à des cassettes de jeux vidéo. Il est caractéristique que le magazine “Music Week”, qui est, comme son nom l’indique, un magazine, à l’origine, musical, consacre autant d’espace, autant de pages, aux jeux vidéos qu’aux chroniques de disques.
L’éternel débat !
Alors que peu de voix (sinon aucune!) ne s’étaient élevées pour regretter la disparition du 78 tours, l’avènement du CD ne fut pas accueilli de manière unanime. Reste que les griefs à son encontre sont fort limités.
1) Le CD est-il inusable et éternel, ou, au contraire, se dégrade-t-il au bout d’une quinzaine d’années, qu’on l’ait écouté ou non (problème similaire à celui rencontré par les détenteurs de bandes magnétiques dont certaines se seraient “démagnétisées”, c’est-à-dire autoeffacées)? 2) La perception sonore du CD semble glaciale face à celle du vinyle: pour certains auditeurs, le son digital n’a pas la chaleur, la présence des enregistrements dits “analogiques”. 3) Son format, beaucoup plus petit (un diamètre de 12cm, contre 30cm pour le 33 tours traditionnel) déconcerte le consommateur, qui, notamment, ne retrouve plus l’attrait, le plaisir de manipuler une chatoyante pochette.Question vite résolue, le marché se divisant en deux catégorie : - Les jeunes, arrivant sur le marché de la consommation, n’ont pas connu, ou prou, le microsillon. Il ne peuvent donc avoir la nostalgie d’un système périmé, et sont, d’emblée, séduits par le CD, d’autant qu’on le leur propose sous différents formats (album, CD single, CD maxi). - Les vétérans. Dans un premier temps, aucun intérêt, pour eux, de racheter à prix exhorbitant un disque qu’ils possèdent déjà, même s’il gratte un peu!
Pour faire passer la pilule, et en attendant que le prix du CD baisse (ce qui ne cesse de se produire), les firmes discographiques procèdent à un, puis plusieurs, “réhabillages” des albums réédités. Entrent alors dans le langage du consommateur, les termes “remixé”, “remastérisé”, “haute définition” et “titres bonus”. Ainsi tel album d’un artiste des années 60 ou 70 se voit réédité, avec un son amélioré, doté d’une durée rallongée, enrichi de deux, trois, cinq ou quinze titres supplémentaires inédits rajoutés à ceux de l’édition originale! La manne ne semble pas sur le point de se tarir: les premiers CD ayant été pressés à partir de bandes magnétiques de qualité plus ou moins approximatives, on eut beau jeu de rechercher les bandes dites de première génération afin de les publier à nouveau, deux ou trois ans plus tard, en vantant un son "remasterisé"... puis, deux ans plus tard, en rajoutant des titres bonus. En attendant enfin (?) une version "définitive"! C'est ainsi que des grands classiques comme Blonde On Blonde de Bob Dylan ou Electric Ladyland du Jimi Hendrix Experience réédités depuis 1982, le sont encore en 2003 ; ces disques mythiques existent ou ont existé dans chaque pays, au minimum, sous deux, trois ou quatre formes officielles différentes. Sachant qu'un collectionneur sérieux voudra posséder la meilleure version disponible, et, pourquoi pas, simultanément les pochettes américaine, britannique et japonaise, on s'aperçoit que la passion coûte une petite fortune
4) Son prix!
Le prix du CD est-il un obstacle à sa commercialisation ?
Au début des années 90, certains "décideurs" du monde du disque, appuyés par une poignée d'artistes, réalisent que, du fait de son inusabilité, le CD est un objet destiné à ne pas être remplacé. On achète une voiture neuve tous les cinq ou dix ans; un CD, non. Cruel problème! On se penche alors, aux U.S.A., sur l'éventualité de faire payer une nouvelle fois les droits d'auteurs au moment de la revente d'un CD d'occasion.
En contrepartie, le consommateur pas forcément acharné prend conscience que le CD bénéficie d'un coût de fabrication bien moins élevé que le disque traditionnel (d'autant plus dans le cas d'une réédition, amortie depuis belle lurette, qui n'a pas à supporter les frais d'enregistrement); les milieux concernés, à savoir le consommateur, bien sûr, mais aussi l'artiste qui ne perçoit qu'un pourcentage qui ressemble fortement à une aumône, s'interrogent sur le bien fondé de ce cours élevé maintenu artificiellement.
Le microsillon fait de la résistance !
Quoi qu’en en dise, le microsillon conserve un public, fidèle quoique restreint. Régulièrement, les firmes discographiques publient des “tirages limités” de disques en vinyle de qualité supérieure, principalement à l’intention des collectionneurs. En Grande-Bretagne, E.M.I., pour fêter son centième anniversaire, réédite quelques uns des albums les plus importants de son catalogue. En France, en septembre 1996, la FNAC, à l’instigation de Franck Lipsik, met à la disposition de sa clientèle une centaine d’albums vinyle en tirage limité à 100 000 exemplaires, de Michael Jackson à Eddy Mitchell en passant par Janis Joplin et Nirvana. Avec beaucoup d’humour, l’opération se nomme “Dites 33” (formule intraduisible dans toute autre langue !). Au printemps 2003, afin de célébrer dignement les 60 ans de Johnny Hallyday, tous ses 33 tours 25cm du début des années 60 se trouvent réédités sous deux, trois voire quatre formes différentes (vinyle mono, vinyle stéréo, CD mono, CD stéréo).
Parallèlement à ce marché “nostalgique” s’installa, dès les années 80, un marché très actif, celui des “D.J.” (disc-jockeys) de boîtes de nuit, professionnels, ou même animateurs de soirées privées. Cette nouvelle race de programmateurs invente le “scratch”, style musical qui consiste à sélectionner certains extraits musicaux et à jouer sur leurs sonorités en faisant tourner les platines à la main, avec un mouvement d’aller et retour de la cellule sur le vinyle, le tourne-disque devenant un instrument de musique à part entière.
En 1998, le magazine Vibrations interviewe l’artiste suisse Christian Marclay :
Il y a vingt ans, un jeune qui désirait se lancer dans la musique s’achetait une guitare. Aujourd’hui, son choix ira vers une paire de platines Technics.
L’idée avait, certes, déjà été trouvée, au début du siècle, par l’artiste dadaïste Stepan Wolpe et, plus tard, par le célèbre John Cage. Mais le phénomène s’est véritablement répandu dans les années 70, grâce à des pionniers d’origine jamaïcaine. Là-bas, en effet (pauvreté oblige!), on a, depuis longtemps, réalisé que, pour animer une soirée, un sound-system (un ou plusieurs tourne-disques) est bien moins coûteux qu’un véritable orchestre! Il est fort possible, d’ailleurs, que cette même idée ait conduit à la prolifération des “boîtes de nuit” ou “discothèques” animées par des disc-jockeys dont les premières datent des années 50, et qui ont si bien remplacé les dancings avec orchestre.
C’est en 1973 que le sound-system jamaïcain débarque à New York, dans les terrains vagues. Les DJ’s (dont les plus célèbres, historiquement parlant, sont Grandmaster Flash, Afrika Bambaataa et Kool DJ Herc) utilisent systématiquement deux platines, afin qu’il n’y ait pas de "blanc", c'est-à-dire pas le moindre temps mort. Bientôt vont s’y ajouter une table de mixage, même rudimentaire, le cas échéant. Dès lors, les disques ne s’enchaînent plus, mais se fondent véritablement, donnant naissance à un art sonore baptisé, selon les cas, hip-hop, house, techno. Signalons tout de même que toutes les platines et toutes les têtes de lecture ne se prêtent pas à cette discipline du va-et-vient; vous risqueriez en effet d’endommager de manière irrémédiable votre équipement, même sophistiqué, en lui faisant subir un traitement pour lequel il n’a pas été spécialement conçu.
Mais la nouvelle la plus révolutionnaire (bien que volontairement étouffée) fut, en septembre 1990, l’annonce de l’existence d’une platine à lecture optique. Il faut savoir, en effet, qu’à cette date, on estime à trente milliards le nombre de microsillons répartis sur la planète. On ne peut pas, d’un seul coup de baguette magique, nier leur existence... ni les reléguer à la cave ou au grenier. C’est en tous cas ce que pense la firme Finial Technology, localisée à Tokyo, qui vient de mettre au point un lecteur de microsillon à rayon laser. Cette fabuleuse machine aurait dû contenter tout le monde, puisqu’elle allie la perfection du laser au plaisir du microsillon. Du fait de sa lecture optique, elle met un point final à l’usure du disque, jusqu’alors inévitablement labouré, même par la pointe la plus sophistiquée. En outre, elle lit les disques en vinyle les plus détériorés sans tenir compte des craquements et rayures, puisque le rayon laser ne lit, strictement, que des informations musicales... et pas les parasites. La durée d’utilisation du rayon est évalué à 10 000 heures; c’est beaucoup plus que la pointe diamant la plus performante d’un électrophone ou d’un pick-up.
Mais ce procédé, qui aurait donné une seconde jeunesse à nos vieux microsillons, aurait inévitablement ralenti, freiné, sinon étouffé la commercialisation du CD et des lecteurs de CD. Raison pour laquelle la platine microsillon à lecture optique a rapidement été “enterrée” (on a mis en avant son prix prohibitif d’environ 100 000 F, mais on s’est bien gardé de rappeler que tous les “prototypes” coûtent une véritable fortune, alors que les prix diminuent toujours drastiquement dès qu’on entame la fabrication en série; à preuve, le lecteur de CD qui valait plus de 3 000 F en 1986, se trouve à tiers de prix, sinon moins, dix ans plus tard).
Si tout semble fait pour décourager les fidèles du vinyle, en revanche, au même moment (alors que le CD n’est pas encore véritablement entré dans les mœurs), on parle déjà de deux nouveaux supports qui vont, paraît-il, tout bouleverser: le mini-disc et la DCC (Digital Compact Cassette). Or, fin 1993, ces deux procédés “révolutionnaires” (!) étaient déjà relégués à la décharge, comme en atteste Record Collector dans son éditorial de décembre 1993, titré “Un désastre prévu”:
1993 devait être l’année où la technologie révolutionnerait l’industrie musicale. Il y a un an, en effet, deux nouveaux supports devaient tuer le vinyle, faire disparaître la cassette audio de la surface de la planète, et même menacer l’expansion du CD. Nous constations cependant que seulement la moitié des foyers britanniques étaient équipés d’un lecteur de CD, tandis que presque tous possédaient un tourne-disques microsillons. Mais l’industrie du disque est menée par les fabricants de matériel haute-fidélité qui ne veulent pas que le public continue à réclamer du vinyle. Or les millions de livres sterling qui ont été investis pour commercialiser le mini-disc et la DCC ont été dépensés en pure perte, et ces deux procédés sont désormais à ranger, dans l’histoire du disque, à côté de la quadriphonie, dans la catégorie “inventions brillantes dont personne ne veut”!
1995... De plus en plus, la mode se porte vers les disques de relaxation, les disques d’ambiance. Nul ne s’étonne d’apprendre qu’il existe, depuis longtemps, des enregistrements destinés aux femmes enceintes, afin de leur apporter une certaine forme de détente. En revanche, ce qui est nouveau, en cette année 1995, ce sont des disques spécialement destinés... aux fœtus!
Août 1998... Le Français Roland Moreno vient de faire breveter sa nouvelle invention, l’Audionet. Cette invention prodigieuse et révolutionnaire propose “un concept de diffusion musicale en temps réel sur l’Internet utilisant les propriétés de la carte à puce” (qu’il avait lui-même inventée un quart de siècle plus tôt !). Moreno propose de stocker et centraliser dans un discosite (un bureau d’environ 30m²) les 45 millions de plages de disques disponibles dans le monde entier, puis de relier ce site à Internet. Le “client” muni d’un décodeur télé ou d’un PC est alors en mesure d’acheter les chansons de son choix grâce à sa carte à puce qui devient alors son moyen de paiement des droits d’auteurs et d’interprètes; les informations restant inscrites dans la carte, le client dispose de sa preuve de paiement. Ce procédé évite de plus la manipulation du téléchargement. Considérant qu’il y a déjà deux milliards de cartes à puce en circulation dans le monde entier, et, qu’en outre, beaucoup de PC possèdent des claviers munis de lecteurs de carte à puce, Moreno est optimiste quant au futur de sa nouvelle invention. Il entrevoit d’ailleurs un aspect convivial du nouveau procédé: désormais, plutôt que le traditionnel bouquet de fleurs ou l’inévitable gâteau, on pourra se rendre à une soirée entre amis avec, pour présent, une carte à puce personnalisée, composée d’un choix musical approprié au goût de son hôte!
1999... Le CD menacé de disparition !
Après de longs mois de réflexion, l’industrie discographique vient de réaliser qu’elle ne pourra pas résister plus longtemps au raz-de-marée du Web. La situation est, en effet, catastrophique. Alors que, depuis 1970, on parvenait, plus ou moins (selon les pays) à endiguer le flot des disques pirates (vinyle, dans un premier temps, CD ensuite), cette fois, il ne semble plus y avoir de moyen de résister à la double pression de la diffusion d’œuvres musicales sur internet, et à la propagation du graveur de CD dont le prix ne cesse de baisser. La loi, bien sûr, interdit, dans le cadre de la protection intellectuelle, de télécharger gratuitement des morceaux de musique, mais qui s’en soucie (à part, évidemment, ceux qui ont à y perdre!). Il existe, bien sûr, des logiciels antipiratage, mais l’industrie discographique a pris trop de retard. Une seule solution, alors, pour essayer de sauver la situation: les cinq majors (Universal, BMG, Sony, EMI et Warner, soit... 80% de la production planétaire) se sont résolues à vendre leur musique, dématérialisée, via internet. Mais ces maisons de disques ont accepté car elles se sont véritablement retrouvées avec le couteau sous la gorge! Soit elles trouvaient un terrain d’entente, soit elles étaient condamnées à disparaître pour cause de pillage de plus en plus sauvage de leurs catalogues. Elles auraient, en outre, dépensé (en pure perte) des sommes colossales à poursuivre en justice les détenteurs de sites, qu’on imagine de plus en plus insaisissables.
Cette décision de “composer avec l’ennemi” (un pacte avec le diable!) ne fut pas prise avec gaieté de cœur: quelques semaines auparavant, on continuait d’essayer de contrer la menace que représente le “MP 3”, format de compression le plus en vogue, qui permet de diminuer douze fois la taille d’un fichier audio sans en affecter les performances sonores (voir notre chapitre consacré aux disques et enregistrements pirates). En décembre 1998, l’Association des firmes discographiques américaines (RIAA) et la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) en étaient encore au stade de collaborer avec IBM, Toshiba, Microsoft et Sony, sociétés dont l’unique mot d’ordre était alors de court-circuiter le MP3. Ce regroupement de 150 professionnels de la musique et des nouvelles technologies officiait sous le sigle SDMI, bannière de la Secure Digital Music Initiative. Mais très rapidement le SDMI se désagrégea: en avril 1999, BMG et Universal (40% du marché) annoncent l’ouverture de leur site, Getmusic.com, pour, dans un premier temps, vendre des CD, tout en reconnaissant qu’il ne s’agit finalement que d’une plate-forme en attendant que le chargement direct de musique devienne une réalité économique. On ne peut être plus clair! Le mois suivant, d’ailleurs, Universal, qui rejette toujours le MP3, teste un autre système pour son propre compte, indiquant qu’à la fin de la même année des essais de distribution de musique seront effectués (avec un logiciel appelé Digibox), en collaboration avec la société californienne Intertrust Technologies dont la mission sera de limiter au maximum toute possibilité de piratage. Le 5 mai, le SDMI informe ses membres de la commercialisation, pour Noël 1999, d’un appareil audio portable aux normes définies par une association internationale d’industriels de la musique. Et le 12 mai, Sony s’associe à Microsoft pour distribuer son catalogue musical ainsi que vidéo. Le SDMI avait vécu.
Automne 1999... Commercialisation du premier “web-baladeur”, le Lyra de RCA, filiale de Thomson. Cette fois, plus de cassette audio ni encore moins de CD: les deux supports, désormais obsolètes, sont remplacés par des cartes à mémoire interchangeables et adaptables sur l’ordinateur et sur le téléphone portable. La question que l’on se pose est, finalement, de savoir si le disque a le moindre avenir devant lui: désormais, l’enregistrement sonore n’a plus besoin de support matériel pour assurer sa diffusion.
2000... Connaissez-vous le Milia? Ce marché des contenus interactifs, qui se tient à Cannes, propose cette année le Sniffle disc, le disque à renifler. Aux senteurs de fraise, de menthe... de fleur ou de pizza, ce CD original est testé par la firme Sony.
2000... Spectradisc invente le disque jetable qui risque fort, s’il fait ses preuves, de révolutionner le monde de la location de vidéos. Son principe est fort simple : une fois déterminé un certain nombre de diffusions, ou bien encore une “durée de vie” (trois jours, cinq jours, etc.) le disque s’auto-efface et devient inutilisable. Plus besoin, dès lors, de le rapporter au vidéo-club, qui, ainsi, y gagne en gestion de ses stocks. Spectradisc s’engage également à confectionner des disques qui ne peuvent pas être copiés ou dupliqués.
Janvier 2000... A Londres, EMI et Warner annoncent leur fusion. Certains observateurs considèrent que cette nouvelle aura pour conséquence la disparition pure et simple du disque. La musique, désormais (dans un avenir plus ou moins proche) sera véhiculée par l’Internet. A preuve la fusion préalable (seulement dix jours auparavant) de Warner avec AOL, premier fournisseur mondial d’accès à l’Internet. Après un instant de surprise, il convient d’analyser froidement les bilans des deux méga compagnies : Warner Music (pourtant société détentrice d’un catalogue prestigieux incluant Madonna et Cher) et EMI (Beatles et Spice Girls, entre autres) n’ont cessé, depuis quelques années, de voir fléchir leurs ventes de disques, notamment en raison du développement de la concurrence avec l’Internet. Leur puissance commune, ajoutée aux capacités d’AOL, leur permet d’espérer reconquérir, à plus ou moins longue échéance, les parts de marché perdues récemment. EMI et Warner se sont fixé comme objectif de distribuer 10% de leur musique sur le web d’ici l’an 2005. Mais cette mutation, cette révolution devra s’accompagner de sacrifices : 3 000 emplois (sur un effectif total de 23 000) devraient être supprimés. Pourtant, la toute nouvelle entité ainsi créée disposera d’un vaste catalogue regroupant 2 500 artistes, soit deux millions de titres et 25% de la musique enregistrée dans le monde entier, représentant ainsi un capital de vingt milliards de dollars.
Toujours janvier 2000 : des réactions au Midem, à Cannes... Patrick Zelnick, l’ex- Pdg de Virgin France qui a fondé son propre label, Naïve, et est actuellement président de l’UPFI (Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants) ne cache pas son désarroi au journaliste de Libération :
La fusion Warner-EMI est un séisme dont on n’a pas fini de mesurer les effets. (...) En 1998, cinq majors détenaient 80% du marché du disque: aujourd’hui, 60% du marché sont aux mains de deux multinationales, Universal et Warner-EMI. Quel pluralisme et quelle diversité y-a-t-il dans ces conditions?
Zelnick, et c’est légitime, pense en premier lieu aux producteurs indépendants qu’il représente :
Tous les producteurs de phonogrammes sont confrontés au problème de l’accès au marché. Simplement, les producteurs indépendants, dans leur ensemble, rencontrent davantage de difficultés que les majors pour accéder aux artistes, aux médias et à la distribution.
Bernard de Bosson, fondateur de Warner France en 1971, tempère les affirmations de Zelnick:
A constater le succès de Louise Attaque et de son label Atmosphériques, ou celui de structures qui s’occupent de techno, je n’ai pas peur pour les indépendants. Pour eux, l’Internet sera un extraordinaire outil de promotion.
Et également d’expression, devrions-nous ajouter : grâce à l’Internet, les musiciens fabriquent de nouvelles formes sonores, utilisant des instruments électroniques de plus en plus sophistiqués, pour des “concerts” à distance et presque sans public. Andy Warhol l’avait prédit : en l’an 2000, tout le monde peut devenir star, au moins quelques minutes dans sa vie !
2002... Deux procédés nouveaux s'apprêtent à partir à l'assaut du marché et, pourquoi pas, donner un sévère coup de vieux au CD en place depuis déjà vingt ans. Il s'agit, d'une part, du DVD-A, ou DVD-audio, soutenu par les firmes Panasonic et Warner, et, d'autre part, du SACD, ou super audio CD, fruit des efforts conjugués des techniciens de Philips et Sony. Deux gadgets de plus ? Voire ! Ces nouvelles inventions reposent sur l'utilisation du sound surround, une diffusion sonore, non plus simplement stéréophonique, mais multicanal. Et (en théorie !) ces deux procédés sont impiratables.